| Si tu me disais viens [extraits]


Nous voici rendus
à nos solitudes
Nous voici rentrés
du voyage bleu
Voici qu’il repleut
et le soir élude
les jours et les jeux
qu’on croyait perdus
Nous avons trahi
quelques habitudes
Nous avons failli
vouloir être heureux

La vie au lendemain de ma vie avec toi
ne sera pas moins douce
ne sera pas moins belle
juste peut-être un peu plus courte
peut-être aussi moins gaie
La vie au lendemain de ma vie avec toi
ne sera pas ceci ne sera pas cela
ne sera pas souci ne sera pas fracas
ne sera pas couci ne sera pas couça
ne sera pas ici ne sera pas là-bas
Ma vie sera séquelle, sera ce qu’elle sera
ou ne sera plus rien
Certains jours, par défi,
je ferai de petits voyages sur nos traces
je ferai de petits voyages sur nos pas
Et là je te ferai de petites fidélités
tant pis si tu l’apprends
si tu dois m’en vouloir
si jamais tu m’en veux de te l’avoir appris
entre ces lignes-ci
J’irai revoir des lieux que nous aimions ensemble
Je ne tournerai pas en rond
Si ça ne tourne pas rond
je prendrai nos photos
dans la boite à chaussures
sous le meuble en bois blanc
et je regarderai encore
par-dessus l’épaule du bonheur
combien tu étais belle
comment nous étions beaux
J’achèterai un chat
que j’appellerai Unchat
en hommage à l’époque où j’en étais bien sûr
incapable à tes yeux
Le thé refroidira ; personne pour le boire
L’été refleurira ; personne pour y croire
Je ne vais rien changer à l’ordre de mes livres
déplacer aucun meuble
J’expédierai nos cartes
qui disaient le destin
mais jamais l’avenir
à nos meilleurs amis
J’allongerai les jours
Je mettrai des tentures dans la chambre à coucher pour allonger
un peu également
le sommeil de mes nuits
mes nuits au lendemain de mes nuits avec toi
La vie au lendemain de ma vie avec toi
je la veux simple et bonne
je la veux douce et lisse
comme le plat d’une main qui ne possède rien
et ne désigne qu’elle.

T’arrive-t-il de désirer
la demoiselle de magasin ?
d’imaginer furtivement
son baiser doux comme le raisin
et son plaisir ?
Elle se prénommerait Harmonie
le temps ne passerait pas sur elle
ni sur sa bouche qui sourit
ni sur ses yeux qui nient
qu’elle rêva d’être la plus belle
Elle verrait que tu la regardes
prendrait ton désir pour le sien
tournerait peut-être la tête
T’arrive-t-il d’être amoureux
d’un profil qui court à l’oubli
à la vitesse d’un nuage
dans le passage le plus bleu ?

Tu te souviens
d’avoir tenu un œil de verre
toute une journée
caché dans ta bouche
Tu te rappelles avoir dansé aussi
avec un poisson sur l’épaule
à travers de longues nuits blanches
A présent
tu te sens chez toi dans tout espace
dont tes yeux ont soif
où grandit ton irrésistible
besoin de tendresse
ton besoin d’en donner
de recevoir encore
d’ici, d’ailleurs et sans mesure
la promesse de moments de douceur
Tout ce que tu possèdes tient
dans cette main d’enfant
serrée dans la tienne
S’il pleut, elle voudra jouer
à qui mouille-l’œil
des gouttes, des larmes ou du rire
Pour que tu joues aussi, il faudrait des nuages

Elle lui parle dans son sommeil
pour lui dire qu’elle l’aime. Elle visite
ses songes pour voir si elle y est
s’ils y sont tous les deux
Elle ne dit pas les mots qu’il faut
Elle ne les aura jamais dits
Elle lui parle dans son sommeil
Faute d’aimer encore et d’être désirée
par l’homme de ses jours par l’homme de ses nuits
elle se met à parler à l’homme de ses rêves
Espère-t-elle ainsi éveiller en douceur
un homme pour ses insomnies ?


On me trouve adorable
on trouve que je pique
on me somme de jeter
mon rasoir électrique
et mes lames jetables
 
On aime mes odeurs
On parle quatre langues
peut-être mieux encore
quand nous nous embrassons
 
On aime qui je suis
tant que je suis aimable
on ne demande rien
tant que je donne tout
 
On veut faire avec moi
un bout de chemin oui
mais on ne sait jusqu’où
ni qui montre la voie
 
On parle de me tatouer
de me marquer au fer
du souvenir heureux
On fait collection de photos
d’amants assassinés
pour avoir trop aimé
On me les place sous les yeux
On me menace
On parle de me séquestrer
parmi ses jouets les plus chers
et de me nourrir de caresses
dans la chambre des jours qui passent
 
On me trouve adorable
On oublie que je pique

Traverses-tu parfois en faisant ton jogging
ou retour de l’usine
l’île Monsin
qui abrite le Port autonome de Liège
où se plaisent la nuit, dit-on, tant d’invertis
(où l’on tourne, où l’on passe, sur le même canal
la même bande annonce
annonce si tu bandes ou va te faire foutre) ?
 
T’arrive-t-il de stationner un peu
sur l’aire de repos surplombant les terrasses
pour étancher ta soif ou reposer tes jambes
satisfaire un besoin ou simplement pour voir
comment Albert 1er – vu par Louis Dupont –
adossé à quarante-deux mètres de phare
prend son plaisir debout
entre les cuisses de la Meuse ?